• Futur Papa, de Emmanuel Pinon

     

    Fallait-il absolument écrire ce livre ?

    Un livre de "prescription", qu'une âme (forcément) bien intentionnée aura mis entre les mains du futur papa. Ou bien un achat à côté de la plaque que lui-même aura effectué, ce qui me paraît fort improbable. Il y a de grandes chances, et plus encore dans le second cas, que vous ne trouviez pas votre bonheur ici. Sauf à entendre que vous cherchiez absolument à vous rassurer avec des "questions pratiques", principalement d'avant la grossesse, qui regarderaient la santé, l'équilibre de la future maman. Pas le votre, ou si peu. C'est qu'il va falloir faire des efforts, mon bon monsieur !

    En résumé, pour le meilleur ou pour le pire, le "futur papa" est une sorte d'accompagnateur de maman, un aide, et finalement ne voit que très peu, voire jamais, son ressenti évoqué autrement qu'en des termes propres à lui dénier toute légitimité. A vouloir trop simplifier son projet et son concept, ce livre semble n'être fait pour personne, et constituer, dans le plus mauvais sens du terme, un livre de chevet, dont on lirait distraitement, soir après soir, une page, enfoncé dans un demi-sommeil. Le bébé est là, on n'a pas fini le livre, et il glisse derrière le lit.

    Ce livre était pensé pour les hommes, les vrais, ainsi il court au devant de vos supposées problématiques : délaisser votre voiture tunée que vous aimez tant bichonner, accepter de foutre un fauteuil bébé à l'arrière ...exprimer vos émotions, atavique petit rétentionniste que vous êtes ...

    Poubelle, hop ...


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  • La part du père par Delaisi de Parseval

     

    Les avatars de la paternité sont, la plupart du temps, des modèles "en creux", ou que l'on tendrait à définir de manière négative. Faut-il rappeler les innombrables clichés dont on nous rebat les oreilles depuis ... fort longtemps ? L'autorité, la présence de la " Loi ", l'intériorisation de tout un arsenal de représentations évidées, qui dessinent jusqu'au loin une longue file de mâles silhouettes, courbées sous le poids des responsabilités, à moins qu'elles n'aient carrément décampé, ou qu'au lieu de marche du père, on doive parler de reptation.

    Ces idées, ces figurations ont sans doute eu une certaine légitimité, à être ainsi admises dans nos sociétés (notamment lorsqu'elles s'appuyaient sur des éléments juridiques, ainsi que le rappellera l'auteur dans ce livre).

    Elles sont en revanches usées, jusqu'à la corde, pour une seule raison au moins : le père est plus souvent défini par ses manquements, par son absence, face à l'idéal expiatoire. Mais cette longue ligne de souffrance n'est peut-être pas aussi vieille que l'humanité, n'a peut-être pas tout à voir avec la longue histoire de déchéance du mâle contemporain ; par "cette longue histoire", j'entends celle qui a particulièrement droit de cité comme élément de "débat" de nos jours, quant à savoir par exemple si les hommes sont toujours des hommes, et si les femmes ne sont pas en train de damer le pion à leurs bonhommes ou coups d'un soir.

    Cette trop haute idée du rôle du père, forcément défaillant, ainsi que le furent les mères en leur temps, peut provenir de l'immense malentendu de la conception initiale, de la place dévolue au père, de celle que la société, pour ainsi dire, lui intime de prendre.

    Ce livre, écrit il y a plus de 25 ans, n'entendait en rien participer à la cacophonie habituelle, sur les questions si "racées" du genre, et de ses caractéristiques prépondérants, souhaitables ou attendus. Il choisissait plutôt de jeter une grande lumière sur "la part du père", non dans l'éducation, mais dans la conception elle-même, qui pourrait être sa racine, sa première ressource, sa légitimité première. C'est à dire, la gestation, une gestation masculine. Et par là, de proposer une lecture ethnologique de la paternité, puis une lecture clinique, en s'approchant des cas croisés de nos jours, de couples attendant, souhaitant attendre, ou ne plus jamais attendre d'enfants.

    En mettant en lumière, dans une première partie, l'aspect fondamentalement construit, culturel, des représentations de la conception dans les sociétés traditionnelles, l'auteur déboulonne théories, idéologies, surtout actuelles donc, qui prétendraient déceler une vérité "naturelle" dans la répartition des rôles masculins et féminins, tant dans la fantasmatique, que dans la "réalité". Les exemples de "couvade" décrits et appréhendés, sans surprise, sont saisissants, dans la différence qu'ils présentent d'avec nos imaginaires présents, où l'éjaculation fécondante tient lieu de seule image acceptable du point de vue réel, et fantasmatique, pour reprendre ce qui était dit plus haut.

    Où l'on comprend finalement que, dans notre société, la part fort marginale dévolue au père est évidemment construite, mais brille, davantage qu'aucune autre, et non sans raisons, par les restrictions opérées autour de la répartition des "rôles", vers la conception. Tout le propos de l'auteur est d'illustrer quelles sont les richesses, pour un homme, d'avoir à se figurer sa paternité, et de pouvoir l'appréhender, l'envisager, la construire. Comment les femmes ont elles aussi à y gagner, et surtout, comment notre société, bien évidemment, et plus particulièrement la société française, désapprouvait (car un peu de temps a filé depuis ...) et méconnaissait, par omission, le phénomène de la "couvade".

    Une seconde partie retranscrit des entretiens avec de jeunes pères (expectant fathers, expression à laquelle l'auteur est obligée, à plusieurs reprises, de recourir, devant l'absence d'expression équivalente à "homme enceint".), et se montre très intéressante, très pertinente parfois, dans ses analyses.

    A lire pour ceux ou celles qui se sentent un peu l'étroit, coincés entre le discours institutionnel sur la paternité, et cette pudeur bien naturelle, favorisée et encouragée en somme, devant  " l'heureux évènement ".

    A lire pour les autres aussi ! La couvade, ce ne sont pas les 4 kilos pris au terme, chose que les manuels de puériculture ont pu accorder aux pères, devant l'évolution des moeurs. Non, la couvade, c'est ce mot, encore entaché d'une forme de honte, qui voudrait désigner une gestation masculine.

    Ce livre entend la considérer dans ses nombreuses dimensions, sans pour autant l'hystériser, c'est à noter.


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