• Je ne retrouve personne, Arnaud Cathrine

    J'ai entendu les premiers chapitres de ce livre il y a quelques paires de mois. C'était lu, peut-être par l'auteur en personne, et accompagné d'un fond musical à peine perceptible (Florent Marchet?). C'était sur France Culture.

    On percevait aussitôt une tonalité très éteinte dans ce récit, qui se présentait sous la forme d'un journal, lu donc par un comédien , et dont les mots résonnaient dans un for intérieur coupé de toute urgence, baignant dans une mélancolie diffuse.

     

    C'est ce même récit, mot pour mot, que j'ai découvert, sans le son cette fois. Aurélien Delamare, double supposé de l'auteur, se retrouve en Normandie pour le compte de son frère aîné et de ses parents. D'une façon caractéristique qui, apprend-on, continue de marquer les rapports internes de cette famille, il s'est décidé, dans le dos de l'éternel benjamin, que la maison familiale serait vendue. Il ne saurait, à 35 ans révolus, manifester de sérieuses oppositions à ce projet ; en sa qualité d'adulte d'une part, mais aussi, de façon paradoxale, dans son caractère de petit dernier, habitué à s'effacer et à s'isoler devant les cas de "force majeure", qu'ils relèvent de la raison parentale, ou du caractère flamboyant d'un frère aîné.

    Encore hanté par une rupture difficile avec Junon, il y a quelques années, Aurélien ne parvient pas à s'extraire d'un certain enfermement, d'une douleur qu'il ne cherche même plus à fuir. C'est dans ce contexte, dépêché par son frère indisponible,  qu'il se rend sur l'ancien lieu de vie familial, près de la plage, avec pour mission de faciliter la prise de contact avec l'agent immobilier local. Le temps, sous la forme d'une mise en vente, s'apprête à ensevelir une partie de sa vie ; et il ne sait même pas si cela doit lui causer quelques nostalgie, et si tout ne doit pas, finalement, se fondre dans le même noir univoque du présent. C'est dans ce chaos que le cafard commence à lui faire signe, de façon insistante, que les amitiés anciennes laissées sur place resurgissent, qu'on s'attende à les retrouver un peu plus ridées, ou mangées par les vers.

     

    Une mélancolie écrasante aurait constitué un écueil certain pour le récit. Au lieu de ça, c'est plutôt cette distance maladive d'avec les choses, ce manque de certitudes sur le ressenti, qui délimite le territoire de cette voix, et de ce sur quoi elle pourrait bien se pencher.

    Cette distance est l'un des atouts du livre, mais aussi l'une de ses relatives faiblesses. C'est que les personnages, pour le peu que l'on nous les dévoile et s'ils s'incarnent assez facilement, semblent à peine effleurés, les destins sans consistance aucune, et les caractères des uns et des autres finalement assez caricaturaux. Peu importe, on imagine, qu'il s'agisse peut-être de portraits fidèles : l'auteur semble les avoir davantage mentionnés pour lui que pour un hypothétique lecteur. L'effet produit est plutôt curieux. Le malaise du personnage principal ne se dissipe pas vraiment (ce qui est une bonne chose), mais la sensation qui domine est celle de se retrouver devant un roman, et un narrateur un brin "tricheurs" : il y a un début, une fin, mais on n'a pas creusé grand chose, tout au plus nous a-t-on présenté la famille et quelques névroses persistantes, et quelques unes, peut-être, des influences littéraires. C'est élégant, mais aussi un peu vain.

    Etrange objet. Cette lecture m'a quand même happé, et parlé plus d'un titre. Cela ne suffira pas, toutefois, à en faire une expérience beaucoup plus remarquable.

     

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