• Journal, de Jean René Huguenin

    Journal, de Jean René Huguenin

    En commençant le "Journal" de Jean René Huguenin, je cherchais à entendre la voix d'un homme, jeune peut-être, face à sa tâche d'écrivain ; je cherchais à l'entendre résonner à travers temps et époques. On peut trouver de telles choses, en parcourant ce Journal. On trouvera surtout un jeune homme qui non seulement écrit, mais se trouve en butte à son implacable devoir d'exister.

    Comment prendre l'exacte mesure de cette existence, stoppée de façon aussi anecdotique, terriblement impersonnelle ? L'accident de voiture qui devait coûter la vie à J.R.H, à l'âge de 26 ans, rappelle avec quelle prudence la destinée sait se manifester. Son Journal, tout du long, nous annonçait l'éclosion d'un homme, ou d'une individualité acerbe, se débattant déjà (et depuis quand ?) contre les conformismes bourgeois, l'étroitesse, non seulement d'esprit mais aussi de vue, de coeur, (ou de souffle) de ses semblables ; cherchant déjà par quel douloureux apprentissage il parviendrait à les cotoyer, il n'a presque aucun doute quant à la voie qu'il lui faut emprunter, et ce n'est pas se draper dans sa superbe que d'envoyer valser les pâles figurines du quotidien, lorsque celles-ci freinent, chaque minute, son ascension vers la joie de "devenir", toujours opposée au sentiment, repu, de celui qui demeure et s'y complait.

    Le questionnement de J.R.H, quant à sa condition, est marqué par son extrême jeunesse, même clairvoyante, même remarquablement en pieds ; on n'a pas à lui pardonner ses intransigeances, car en lui rien ne souhaite être pardonné, ni aimé. Il est froid, étincelant, prêt à mépriser sa vie si cela peut le conduire vers ce qui mène à s'oublier, à "croître", car ainsi en va-t-il de l'âme pour J.R.H.

    Nous nous tenons parfois à respectable distance de ce chemin solitaire. Sa lumière l'exige ; ce n'est pas une lumière qui rassemble dans l'heureuse communion, mais celle qui réfléchit, qui chasse vers soi, de nouveau, et qui, donc, confronte. Très beau livre, de ceux, j'imagine, qui sont tels "une hache pour fendre la mer gelée en nous".

     

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