• Spin, de Robert Charles Wilson

     

     

    Spin, de Robert Charles Wilson

     

    La première fois que j'ai vu la couverture de ce livre, en l'occurrence ces fusées lancées vers l'espace, je n'y ai pas même prêté attention. L'imagerie de la science-fiction est trop familière pour se déployer avec innocence sous nos yeux.

    Il y avait pourtant beaucoup de choses à y voir ... ceci sans doute est plus aisé à remarquer, ma lecture achevée. En premier lieu le dessin est plutôt réussi. J'aurais pu noter que les dégradés de bleu représentaient autant, au plus bas, la mer et ses vastes profondeurs, d'où la vie sortit un jour, que notre ciel "immédiat" en remontant, puis l'infini de l'espace. Un paysage qui évoque le rêve, et le drame, suggérant l'idée du départ, comme de l'origine.

    Ces 12 fusées, figées par le dessinateur Manchu dans un envol semblable à un ballet, semblent dire la majesté de toutes les tentatives humaines, et la fragilité de l'élan qui les porte. C'est ce que Spin donnera à voir, tout au long de ses 550 pages : les grâces autant que les dérives de l'humanité, mises en scène au travers de la grande Histoire, et de quelques destins individuels.

    Un artefact technologique inconnu apparaît une nuit sur Terre, masquant les étoiles d'une seconde à l'autre. Il s'agira dans un premier temps, pour les esprits médusés, de le nommer Bouclier d'Octobre. Sa présence et ses effets révèlent peu à peu aux gouvernements de la Terre qu'à l'extérieur de cette membrane, le temps s'écoule des millions de fois plus vite. Ils en acquièrent de solides preuves, tandis que le fameux Bouclier, qu'il conviendra alors d'appeler le Spin, reste parfaitement muet, étanche et fonctionnel, conduisant la Terre emprisonnée vers son destin cosmique, et notamment vers ce jour où elle s'approchera du soleil jusqu'à en être carbonisée.

    Pour les enfants de la génération Spin, il faut pourtant vivre, dans cette atmosphère de fin du monde où pullulent les églises millénaristes, tandis qu'un nouvel organe de la NASA, Périhélie, conduit des recherches sur le Spin, que l'on espère salvatrices à long terme. On retrouve tout autant de disparités dans l'accès et la compréhension de l'information "globale", qu'à notre époque et dans notre réel, où la complexité est capable de noyer l'esprit le plus vaillant ; ainsi le Spin est-il, pour des continents entiers et à différents degrés, une chimère, ou une technologie américaine aux visées mystérieuses, à moins que ce ne soit une intervention d'extra-terrestres (que Périhélie envisage de la façon la plus sérieuse).

    Ce qui conduit ces hommes désespérés, et surtout l'homme de science, c'est la recherche du sens. Un sens à découvrir avant de mourir. Une quête scientifique, rationnelle pourrait-on dire. La fin des temps, mystique ou non, semble avoir devancé leur espoir et l'attente d'une compréhension. Elle vient leur signifier qu'il ne leur sera pas donné d'expliciter la disparition de l'espèce, malgré leurs capacités cérébrales et leur soif de connaissance, qui jusque là restait leur salut. Comme voudrait le suggérer R.C Wilson, ces faits, qui mobilisent tant les civils que les militaires, ne suffit pourtant pas à élever toutes les consciences vers le haut. En écrivain du présent, l'auteur dépeint à merveille, à travers le filtre du Spin, nos existences ordinaires, un certain malheur existentiel, et l'incrédulité qui nous frappe et nous pétrifie, face aux défis majeurs que l'humanité sait devoir relever.

    A bien des égards, l'idée de fin du monde nous touche plus souvent, peut-être, que nous ne le souhaiterions. C'est à cela que nous devons nous confronter en lisant Spin ; R.C Wilson pourtant, loin d'agir en démiurge froid et technologisant, en traitant dans sa narration de la question hautement mystérieuse du Spin, choisit de nous faire vivre cette aventure en humains, en mettant en scène les passions qui nous animent, de la plus humble à la plus élevée. Il dessine en passant les contours du rêve d'une plus haute humanité, enchaînée à son besoin de survivre, triomphante, peut-être, et prodigieusement intelligente, capable. Davantage qu'au travers d'idées politiques ou religieuses, on voit se former, vers la fin, dans l'incroyable écheveau du présent, bouillonnant de matière, un horizon métaphysique dont les arabesques jamais n'achèvent la quête du sens, qui surgit comme revivifié au terme de ces pages.

     

     

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