• Winterheim, de Fabrice Colin

                                          

     

     

    Je me proposais, depuis longtemps, de faire connaissance avec l'oeuvre de Fabrice Colin. C'est chose faite, avec ce premier livre de l'intégrale "Winterheim", chez J'ai Lu.

    L'auteur écrit beaucoup. Pour la jeunesse, pour l'amateur de fantasy, concernant le présent Winterheim, ou encore pour un "public" que l'on n'identifiera guère plus précisément. On reconnait le parcours de F.Colin à des incursions successives dans le fantastique, le policier (plus récemment) ou encore le merveilleux, au delà des marges. Une littérature abondante donc, mais dont la trajectoire ne semble rien devoir à un quelconque déterminisme.

    Si j'ai de mon côté choisi Winterheim, c'est sans doute qu'il me fallait, en guise d'approche, un objet reconnaissable, aux frontières probablement bien définies. Cible parfaite que cette trilogie de fantasy donc, écrite tôt dans sa vie d'auteur.



    Je ne peux assurer à celles et ceux qui liront cette "chronique", amateurs de fantasy notamment, qu'ils trouveront là leur parfait bonheur car je ne vois pas, par exemple, de "système poussé de magie". (Ce genre de considération me fait souvent grincer des dents) Il y a bien, cependant, une carte du monde, assez sommaire et peu soucieuse de figurer d'autres reliefs que ceux des montagnes, lesquelles divisent, avec un delta au sud, un monde continental en gros territoires. le plus au Nord est celui d'Asgard, où les Faeders, dieux des humains, se sont retirés en accord avec leurs principaux opposants, les Dragons, ceci afin d'empêcher d'autres désastres, liés à leurs continuels affrontements.

    Ce monde inspiré des mythologies nordiques est celui où, tôt ou tard, seront précipités de nouveaux cycles historiques, car des vengeances, des complots sont encore fomentés par les Faeders ; on nous présente leur constellation à travers un arbre généalogique.

    Le récit commence avec l'apparition, dans les affaires humaines, de quelques uns de ces dieux. Leur présence est toute l'essence de cette première partie ; suivant leurs agissements, dont les desseins existent sur un autre plan, nous sommes mêlés à l'histoire tragique de la caste régnante du royaume d'Elsnör. Son Roi, manipulé par une mère perverse, porte atteinte à la divinité de la nuit en la capturant, et en la retenant contre son gré. On sent que cette jeune fille diaphane, absente au monde et portant avec elle toute les apparences de l'humanité, a révélé sa fragilité et son incapacité à se défendre comme seul un dieu peut le faire, persuadé, peut-être, que la tabou absolu de sa seule existence, ordinaire et exposée, le tient à l'abri des habituelles malveillances humaines.

    Le bras armé de la mystérieuse machination en marche, dont nous ne savons rien ne peut être, donc, qu'un esprit malade, qui provoquera ou accélérera la perte de nombres de ses semblables, en ayant provoqué la colère des dieux.

    Ces passages s'enracinent dans un style allusif, intégrant dans son appréhension du monde et de la réalité la présence - fantastique - des dieux, qui foulent la même terre que les hommes, et dont la présence ne peut-être révélée qu'avec l'absorption d'un filtre magique. Ces évènements ont une portée que l'on devine démesurée, ils sont comme le point d'orgue dans l'histoire du basculement à venir ; c'est ainsi qu'à la fin de ce premier "mouvement", morceau d'histoire récente aux apparences de légende, on passera à la suite du récit, en d'autres années, sous des regards et des auspices différents.

    Passées les premières impressions poétiques, l'histoire semblera s'attacher, avec un talent certain, à un personnage dont l'existence va se trouver irrémédiablement bouleversée.

    Le thème de la vengeance y est traité avec réussite. Fabrice Colin semble avoir eu l'intuition que ses personnages, à défaut d'être bavards, gagneraient à souffrir de passions universelles et facilement appréhendables par le lecteur ; mais il les fait affleurer en en maîtrisant les tenants et aboutissants de la plus parfaite manière. L'exil intérieur du héros, soumis à la tyrannie des assassins de Walroek, est poignant. Le thème pourrait sembler affreusement convenu, et pourtant, son absence, sa détermination de jeune homme meurtri semblent vrais, construits, vécus. de même, l'ombre de puissance qui l'habite, et qui grandit sous nos yeux est en équilibre avec la terreur qu'inspirent les soldats envahisseurs de Walroek, et leur chef abject. Une force gronde, on devine à quel genre de destin il semble être appelé, même s'il sert un dessein supérieur.

    En sa qualité de trilogie, la lecture de ce premier tome ne saurait se suffire à elle-même. Il faudra donc que je lise la suite. Ce sera avec plaisir. C'est incontestablement un bon moment de lecture, même si certaines scènes (je pense par exemple au dîner où le draaken a convié les dirigeants des royaumes voisins ; à l'incursion dans le labyrinthe ...) sont trop candides et ont imprimé au récit, dans la stabilité de l'univers jusque là développé, une tournure pas forcément bienvenue selon moi.

     

     

     

     

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