• Charles Nodier, La fée aux miettes

    Il y a quelque temps, complètement vautré sur les tables des bouquinistes de Mouans Sartoux, lors d'un Salon du Livre, j'ai fini par acquérir "Trilby - La fée aux miettes", de Charles Nodier. Pour 1 euro. (On m'a même filé un sac plastique.) Il fallait à tout prix que je ... que je quoi, déjà ? Que je l'achète ? Bon. Quoiqu'il en soit, c'est ce que j'ai fait.

    Je dois confesser que la couverture choisie par les éditions de poche Garnier Flammarion m'avait particulièrement attirée. Je confesserai, également, qu'il me fallait à tout prix faire état de ces précisions, afin de satisfaire à diverses pulsions fétichistes, et pour le simple plaisir de l'évocation. On sait bien que ce genre de plaisir, par essence, est solitaire.

     

    Charles Nodier, La fée aux miettes

     

    Voilà qui est chose faite !

    (Le fait est que ... l'édition dans laquelle je l'ai lu n'est pas celle-ci. Mais ceci est une autre histoire ... je sais m'arrêter !)

     

    J'éprouvais, sans trop me le représenter, une forme de sympathie pour cet auteur. Peut-être à cause de son prénom, lequel pourrait évoquer les rois de France mais qui, dans mon cas, convoque d'autres images, étrangement désuètes, et lointaines.

    On nous présente, dans une préface, l'auteur comme un conteur de circonstance, hôte disert et rêveur de la Bibliothèque de L'Arsenal. On imagine sans peine les sociétés qui se constituaient dans ses salons, et qui prêtaient l'oreille à ses contes. Je n'ai découvert qu'une partie de sa vie, et je crois savoir qu'il y aurait beaucoup de choses à dire sur Charles Nodier. Mais ce n'est pas le propos, ici.

     

    Cette Fée aux Miettes se présente comme l'un des contes les plus célèbres du bibliothécaire de l'Arsenal. Il verse résolument dans le fantastique. L'identité du narrateur m'échappe, bien que, je pense pouvoir l'affirmer, il s'agit d'un excentrique plus ou moins assagi, collectionneur d'instants étranges. Un homme qui ne souffre, en tout cas, nullement de ses lubies, au point qu'elles orientent sa vie, ses recherches et son tempérament. Le voilà donc en route pour Glasgow, sous divers prétextes, dont celui de visiter une maison de lunatiques ; ceux-ci ne sont rien moins que des fous, des aliénés, mais plutôt inoffensifs, ainsi que le suggère leur nom. C'est à cet endroit qu'il rencontre Michel, un jeune homme retenu ici contre son gré. Son maintien, son élégance et sa beauté retiennent immédiatement l'attention du narrateur, et celui-ci noue un dialogue des plus raisonnables ( et raisonnés) avec lui, sans guère de difficultés.

    Michel recherchait dans les parterres de fleurs une mandragore qui chante, avec application et gravité. Il semble tout à fait en mesure d'expliquer et de justifier son comportement, chose qui ravit par avance notre amateur de curiosités. Le doute n'a peut-être pas même le temps d'affleurer en lui quand, gagné par la sollicitude, il demande à Michel ce qu'un être aussi raffiné que lui, aussi sensible que sincère, aux propos nuancés, a fait pour se retrouver ici.

    Et à compter de cet instant, Michel prenant la parole à la première personne, nous laissons de côté toute tentation de céder à quelque doute raisonnable, habituellement prescrit dans de telles situations.

    Les vapeurs dorées du conte rentrent en scène, avec une puissance singulière. Même si, dans le même temps, nous savons y avoir été convié, et l'avoir acepté. Michel nous entreprend, avec patience, sur ses débuts dans la vie, et sur la façon dont il devait rencontrer une certaine Fée aux miettes.

    La Fée aux Miettes, on l'apprend vite, était une figure de Granville, où Michel a grandi. Cette mendiante, particulièrement laide et âgée, trouve refuge sous le porche d'une église, depuis des décennies. Les plus anciens n'ont guère d'autre choix que de l'admettre : on les imagine conclure, dans un haussement d'épaules caractéristique des protagonistes d'un conte, ou d'un rêve éveillé, que La Fée aux Miettes est probablement plus âgée qu'eux, sans se soucier du défi que cela pose à la raison. Un mystère subtil et familier l'entoure depuis toujours ; ce genre de mystères dont on ne fait pas grand cas, et dans lequel le vaste monde, bienheureux, trouve son propre oubli.

    Michel le sait, de cette façon évidente qu'ont les enfants de savoir, et poussé par une nature généreuse, s'entiche de cette malicieuse vieillarde, très savante ; celle-ci reconnaît à son tour, en lui, une âme privilégiée. D'autant que, éduqué par un oncle alors disparu, entretenu par ses pairs de l'importance du labeur, de la générosité et de la prodigalité envers les pauvres, Michel est un modèle de vertu. Mais pas de cette vertu laborieuse qui coûte à celui qui la met en pratique. L'enfant montre un vrai penchant pour les bonheurs simples, mérités, et pour la noble condition d'artisan, dans laquelle il est prévu qu'il se fera une place.

    Sans jamais renier qu'une telle promesse ait été faite, constant dans ses désirs et ses aspirations, Michel annonce à la Fée aux Miettes qu'ils se marieront un jour. Elle rit, bien que son oeil pétille.

    De nombreuses aventures attendent Michel, durant lesquelles il ne perdra jamais de vue son alliée. Leur amitié ira croissant ; durant des années, peut-être aidé par un esprit supérieur, ou par le Bon Dieu, Michel développe ses talents de charpentier, et sa philosophie de vie. Si celle-ci trouve là, au gré de déroutes, une véritable épreuve, elle le mène pourtant toujours plus loin, dans sa recherche d'une place dans le monde, toujours plus conforme aux préceptes qui lui furent enseignés. Où qu'il voyage, il retrouve, comme un bon génie, la Fée aux Miettes, dont l'identité se fait de plus en plus mystérieuse.

     

    Ce n'est peut-être pas la lecture la plus réjouissante qui soit, au sens de la facilité d'accès : c'est toutefois un plaisir de se retrouver au contact de cette légende, où les détours facétieux dominent le cours de l'histoire. Ainsi que je l'ai lu, en faisant des recherches sur le livre, on a la sensation d'avoir affaire, par moments, à une longue digression, qui constituerait le corps même du récit, sinon son but avéré. De la terre ferme à la mer, des assemblées humaines aux tribunaux cauchemardesques, où les juges ont des têtes de chien, la panoplie des loufoqueries est vaste, et le ton souvent singulier.

     

    Un livre que je ne regrette pas d'avoir découvert.

    Mais je n'ai pas encore lu Trilby, qui composait la seconde partie du recueil.

    A suivre ..

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