• Les années difficiles, de Henry Bauchau

     

     

    Henry Bauchau est décédé il y a plusieurs semaines maintenant.

    Peut-être est-il temps de le regretter, de vouloir plonger dans la faille qui nous est commune, à tous : l'expérience de la disparition des autres, dans laquelle nous sommes parfois contraints de voir se refléter notre propre fin, pour peu que nous y consentions.

    Evidemment, j'ai été touché par sa disparition. Mais très vite, la distance s'est rétablie, et Henry Bauchau m'est devenu une ombre, sur laquelle mes jours ont continué de glisser, sans avoir rien appris de plus. Réflexe de paresse.

    C'est certainement parce que cet homme, sinon son oeuvre, se situent résolument du côté de ceux qui combattent pour la vie, pour la vérité de l'être, avec tout ce que cela implique d'exigence, et de désespoir fécond, également. Il me paraît difficile d'imaginer qu'on ne ressente aucun retour "sur soi" à la lecture de ces notes ; et de fait, nous voici renvoyés à nos propres impasses, et dans le miroir, au peu que nous nous montrons capable de faire pour les contourner.

    Je ne peux pas parler comme l'un de ses proches, et prétendre qu'il fut "ceci", ou "cela" ; mais ce journal de la période 72-83, "les années difficiles", montre à quel point H. Bauchau avait à coeur d'oeuvrer en ce monde, de parvenir à la présence à soi. Rester au plus près, pour vivre ce qui est à vivre, vivre les tourments, les doutes, les joies, sans rien refuser du combat, et des batailles dont on pressent obscurément qu'elles seront perdues.

    Ces notes de vie, qui présentent bien sûr, le plus souvent, un caractère décousu, (exceptées les mentions fréquentes aux oeuvres en cours, et évènements marquants de sa vie privée), nous plongent dans le quotidien d'un créateur qui, le plus souvent, doute de lui-même. Il se désole du silence qui entoure la parution de ses ouvrages ; on le découvre tout à tour faible, contemplateur, touché par la grâce, attentif aux bruits les plus sourds de la vie intérieure. Ce que j'ai découvert dans l'Enfant Bleu, j'en ai retrouvé ici, des années avant son écriture, la prescience, les traces effacées avant l'heure ;  tout comme une sensation de désuétude, mais aussi d'immersion profonde dans un quotidien étranger, et évaporé trente ans en arrière.

    « Les souffrances du jeune WertherUne année de lectures, ça donne ... »

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :