• Quarante deux jours d'un ...

    " Voyage autour de ma chambre "

    Quarante deux jours d'un ...

     

    " Qu'il est glorieux d'ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout à coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l'espace !

    Non, je ne tiendrais plus mon livre in petto ; le voilà, messieurs, lisez. J'ai entrepris et exécuté un voyage de quarante deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j'y ai faites, et le plaisir continuel que j'ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d'êre utile m'y a décidé. "

    C'est sur ce ton à la fois malicieux, ironique et frondeur que Xavier de Maistre entame son récit de voyage. Il fait suite à une préface de son frère Joseph, qui s'est chargé sur quelques pages elles aussi très drôles de vendre l'ouvrage, et nous sommes impatients à la fois de voyager, oui, et peut-être aussi de découvrir ce qui s'apparente, toujours selon le préfacier, à un système complet de "philosophie transcendantale". Car après tout, quatre murs ont-ils jamais empêché un homme de se déplacer librement ? Xavier de Maistre s'en amuse, ne revenant à dessein sur sa privation de libre-arbitre (car Monsieur est assigné à résidence par les autorités, semblerait-il après avoir provoqué un homme en duel et l'avoir suffisamment blessé.) que pour ironiser sur son tempérament de voyageur idéal, et idéalement contrarié dans ses projets.

    C'est en quarante deux chapitres qu'il entend, progressivement, nous faire découvrir la géographie de ce pays extraordinaire, où passé une rangée de tableaux, on aperçoit, dans un rayon de soleil, ce "lit" où il fait bon s'arrêter et se reposer, pour un séjour à durée indéterminée. Le reste du temps, partagé entre digressions sur la société, sur sa propre vie ou ses regrets, on écoute sa voix tantôt apaisée, tantôt anxieuse, libérée au gré de son évocation du monde, puis l'on retrouve de nouveau en lui la bête enfermée, l'homme sage ou en proie aux tourments ... la rumeur lointaine de l'extérieur y est à peine audible : il subsiste en tant qu'image pour alimenter la solitude de l'homme reclus entre quatre murs, dont on devine peut-être l'authentique inquiétude, lorsqu'il s'interroge sur l'éventualité de sa libération.

    Nous devenons peut-être une sorte de lecteur idéal de X. de Maistre, tant il s'est affairé à ne jamais ennuyer au cours de ce voyage. Il est le plus souvent léger comme une pensée, et établit une connivence avec celui qui a de grandes chances de le lire confortablement installé, lui aussi, dans sa chambre ; nous ne sommes plus prisonniers, ensemble, mais témoins des misères, des grandeurs au dessus desquelles il conviendra, ultimement, de s'élever ; comme un jour de captivité en appelle un autre, un chapitre en appellera également un autre, et nous emportera tout le long vers les contrées du rêve intérieur, ininterrompu.

    Nous ne faisons que passer. Nos états d'âme subissent le même sort avec. Comme le jour était attendu de la nuit, comme l'aube en avance sur le soleil de midi, il est vite temps de tourner une page et de goûter à l'humour subtil, touchant de Xavier de Maistre. 

    Cette pause à l'abri du monde porte toujours en elle ses aspirations contraires, et l'instabilité qui est notre nature ; comme elle célébre l'oisiveté, qui convoque la pensée, nourrit à son tour rêves et regrets, par lesquels nous nous retrouvons isolés, dans cette chambre où nous cherchions à nous évader. Impuissants par la force des choses, une sorte d'habitude commande, tandis que s'égrènent les pages, d'accepter notre destin de reclus avec l'auteur.

    Ainsi, ce n'est pas sans une étrange sensation qu'avec ce dernier, nous nous découvrons, au terme de ces quarante deux jours, rendus à une liberté exaltante, mais peut-être un peu gênante aux entournures !

     

    Un vrai bonheur, plus profond, plus juste que je ne saurais le dire ... c'est bien pour ça qu'il faut le lire, d'ailleurs.

     

     

     

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